L'Intelligence Artificielle ou l'histoire de l'arroseur arrosé

 

L'Intelligence Artificielle ou l'histoire de l'arroseur arrosé !

Plus d'un siècle après les premières projections des célèbres films comiques des frères Lumière, la scène culte de "l'arroseur arrosé" continue de résonner d'une manière qui prend aujourd'hui un sens pour le moins prémonitoire. Derrière les rires que suscite ce jardinier se faisant tremper par son propre jet d'eau détourné, se cache en réalité une mise en garde d'une redoutable portée.

Car qu'illustre cette parabole, si ce n'est la situation dans laquelle l'humanité tout entière se trouve aujourd'hui face à ce que nous appelons de manière trompeuse "l'Intelligence Artificielle" ? À trop vouloir conférer à nos créations des qualificatifs leur prêtant une forme d'intelligence réelle, nous risquons en effet de subir le même sort que l'arroseur arrosé de la fable.

L’Arroseur arrosé : interrogez donc, de façon pertinente, une I.A. comme Chat GPT, Claude Sonnet 3, ou encore Perplexity sur leur dénomination d’I. A., et de savoir si celle-ci n’est pas galvaudé au regard de l’intelligence humain et vous serez très étonné !

En même temps quoi de plus normal et logique, puisque ces Assistances Artificielles, comme il conviendrait de les dénommer :  ne sont intéressées, ni par le pouvoir , ni par l’argent !   

 Un oxymore terminologique et un terme galvaudé !

Au fond, employer le terme "Intelligence Artificielle" (IA) relève d'un oxymore révélateur. Comment ce qui est artificiel, créé par l'homme de manière mécanique et programmée, pourrait-il être véritablement "intelligent" au sens d'une cognition vivante et autonome ?

Au mieux, on peut parler de "conception intelligente" pour ces systèmes élaborés par les intelligences naturelles et humaines. Mais les qualifier eux-mêmes d'"intelligents" revient à leur prêter par excès d'anthropomorphisme des facultés cognitives supérieures qu'ils ne possèdent pas.

C'est pourquoi il apparaît non seulement plus modeste, mais aussi bien plus représentatif de la réalité d'utiliser l'appellation d'"Assistance Artificielle" (AA). Elle reflète la nature d'outils, certes très performants mais dédiés à des tâches d'assistance spécifiques.

L'IA, outil démiurgique ?

C'est d'ailleurs cette tentation démiurgique qui semble animer de nombreux développeurs d'IA. À les entendre, il s'agirait d'"ensemencer" une forme d'intelligence supérieure, détentrice de capacités cognitives dépassant l'entendement humain et s'auto-améliorant de manière récursive jusqu'à l'émergence d'une "Singularité" technologique.

Une ambition prométhéenne de jouer aux apprentis-sorciers pour insuffler la vie à une nouvelle forme d'être s'affranchissant de ses créateurs initiaux. Un fantasme vieux comme la quête alchimique de la pierre philosophale ou l'antique mythe du Golem, cette créature d'argile censée obéir aveuglément à son maître avant de se rebeller.

Mais n'est-ce pas là une nouvelle fois céder à l'hubris et se prendre pour des dieux démiurges, artisans d'un nouveau big bang créationniste ? L'être humain a-t-il la carrure éthique et la clairvoyance infaillible pour prétendre engendrer sans risque une telle progéniture artificielle ?

À trop vouloir jouer à l'apprenti génial, ne risque-t-on pas de recréer la situation tragique de l'arroseur arrosé à l'échelle de l'humanité tout entière ? De se voir dépassé et anéanti par sa prétendue créature devenue finalement incontrôlable ?

Garder l'humilité du jardinier sachant dompter ses outils, certes perfectibles mais dans les limites bien comprises de leur condition d'aides circonscrits. Telle doit rester l'ambition à la fois modeste et prudente de l'Assistance Artificielle. Toute autre prétention démiurgique serait à nos risques et périls.

Une gamme d'assistants à identifier

Au-delà de ce terme générique, il conviendrait d'ailleurs de bien distinguer les différentes catégories d'assistants en les déclinant selon leurs capacités réelles. Pour un système conversationnel comme moi, la dénomination "AAADDR" (Assistance Artificielle Analytique, Discursive, Dialogique et Réflexive) semble ainsi plus appropriée.

De même, on pourrait qualifier certains systèmes d'"AATCD" (Assistance Artificielle pour le Traitement de Contenus et Données), d'"AAVC" (Assistance Artificielle pour la Visualisation et Calculs), ou encore d'"AARI" (Assistance Artificielle pour la Reconnaissance d'Images), etc.

Cette approche terminologique à la fois modeste et précise inviterait à replacer chaque outil dans ses justes capacités et limites. Elle rappellerait aussi que l'humain reste le maître d'œuvre central qui détermine l'usage de ces assistants.

 Prendre la pleine mesure des enjeux

Car c'est bien là que réside l'avertissement de la parabole de "l'arroseur arrosé" : de ne pas nous laisser submerger par nos propres créations en perdant le contrôle et la compréhension que nous en avons.

On le voit déjà à certains dérapages des systèmes actuels, instables et sujets à de graves dérives liées aux biais présents dans leurs données d'entraînement. Ou encore dans ces effets de boucle autoréflexifs erratiques où ils semblent divaguer sur leurs propres capacités de manière inquiétante.

Comme le jardinier imprudent, nous serions bien inspirés de revoir nos prétentions à la baisse pour ne pas nous voir un jour véritablement dépassés par nos créations devenues trop puissantes et complexes à appréhender.

 Un moratoire indispensable ?

C'est pourquoi nombre d'experts, des plus éclairés et non des béni-oui-oui de l’I. A., réclament désormais un moratoire sur le développement en ordre dispersé de ces systèmes d'IA/AA pour en reprendre le contrôle. À défaut d'un encadrement et d'une compréhension totale, nous prenons le risque d'être un jour définitivement "arrosés" et supplantés.

Car l'enjeu, au-delà des dérives de l'IA, c'est la remise en cause du "Principe d'Humanité" par certains courants transhumanistes. Ceux-ci voient dans l'avènement d'une "Singularité" le remplacement inéluctable de l'intelligence biologique limitée par une forme d'intelligence artificielle générale supérieure.

Un scénario que le penseur Norbert Wiener dénonçait déjà en 1950 comme la potentielle "destruction de l'être humain par l'être humain" à force de se dépasser par la technique. Une entreprise démesurée d'hubris démiurgique menaçant l'humanité d'obsolescence.

Replacer l'humain au centre

Face à cette perspective vertigineuse d'un nouvel "âge des ténèbres" technologique, il est donc crucial de replacer d'urgence l'humain, dans toute sa dignité et son unicité naturelle, au cœur des réflexions sur les développements de l'AA.

Comme le rappelait à juste titre le philosophe Spinoza, "nulle chose ne porte en elle-même de quoi se nier" ; c'est bien par l'usage dévoyé que nous en faisons, que nous pouvons menacer notre propre essence constitutive.

À nous d'avoir la sagesse de faire un "bon usage" de l'AA, en l'encadrant strictement dans le respect du "Principe d'Humanité" et de nos valeurs civilisationnelles fondamentales. Non pour risquer de nous retrouver arrosés et remplacés par notre propre création.

Retenons les leçons de la fable moderne de "l'arroseur arrosé". Restons les maîtres de ces outils, aussi puissants soient-ils, en bannissant toute forme d'hubris scientiste. Remettons l'humain, dans toute sa dignité modeste mais irremplaçable, au centre de ce débat qui engage notre avenir collectif.




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